Lorsqu’on aborde le sujet des origines du yoga, on retrouve régulièrement certaines affirmations. Le berceau du yoga serait la vallée de l’Indus (dans l’actuel Pakistan), creuset d’une pratique vieille de plus de 5000 ans. Mais qu’en est-il réellement des origines du yoga ? Cette pratique millénaire aurait-elle vraiment traversé les siècles pour nous parvenir inchangée ? Le yoga que nous pratiquons aujourd’hui en Occident puise-t-il véritablement ses racines dans la vallée de l’Indus uniquement ? Dans cet article, nous vous proposons de retracer les origines du yoga à la lumière de faits historiques contextualisés pour mieux en comprendre la complexité et les nuances. 

Quelle est l’origine du yoga ?

Le yoga serait vieux de plus de 5000 ans. C’est la première affirmation la plus répandue quant à ses origines. Cette idée repose sur la découverte, dans les années 1920, d’un site archéologique, appelé Mohenjo-Daro, attestant de la présence de la civilisation de la vallée de l’Indus au nord de l’Inde (dans l’actuel Pakistan). Parmi les mutiples objets excavés, un sceau est interprété par les archéologues de l’époque comme une représentation d’un dieu Shiva archaïque, en posture de yoga. On l’appelle aussi sceau de Pashupati, car ce terme désigne une des formes les plus anciennes de Shiva. Et voilà comment la preuve de l’existence du yoga depuis le 3e millénaire avant notre ère est fondée ! 

Pourtant, cette conclusion est aujourd’hui profondément remise en question par de nombreux chercheurs. Les différentes hypothèses sur lesquelles se sont basés les archéologues pour définir un lien entre la scène gravée sur le sceau, le dieu Shiva et la posture de yoga en assise méditative ne sont pas suffisamment solides pour plusieurs raisons. Il s’agit plutôt d’un raccourci dans une interprétation, effectuée a posteriori, de ce que symbolisaient le dieu Shiva et le yoga, à cette époque. 

Le terme yoga fait son apparition 1000 ans après la période à laquelle fut probablement bâti le site du Mohenjo-Daro dans les hymnes du Véda. Il ne désigne pour autant pas, à ce moment-là, une quelconque pratique corporelle ni même méditative.

Quand est apparu le yoga ?

Ainsi, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que le yoga est né dans la civilisation de l’Indus, il y a 5000 ans. Rien ne permet non plus avec certitude de l’infirmer. Le mot yoga, dont la racine sanskrite Yuj signifie autant atteler et unir, que concentration ou sortilège, apparaît pour la première fois dans les hymnes du Véda, autour de 2000 av. J.-C. 

Le Véda est un ensemble de textes qui, selon la tradition, ont été révélés à des sages indiens nommés Rishis. Il s’agit d’hymnes, de chants, de formules sacrificielles principalement. Cette connaissance révélée (ou shruti) est transmise ensuite oralement entre brahmanes (prêtres). Par cette tradition avant tout orale, l’origine dans le temps des textes védiques est l’objet de nombreux débats universitaires. 

Sous l’égide des brahmanes, les Védas se complètent progressivement. D’abord de commentaires (nommés brahmanas), sorte de précisions rituelles en prose. Puis des Upanishad qui fondent la base de l’hindouisme. Il s’agit d’un ensemble de textes de spéculations philosophiques, majoritairement rédigés sous forme de dialogues, mais très variés autant sur leur contenu que leur datation. Les Upanishad éclairent les textes révélés auxquels elles se réfèrent, notamment les Védas. 

Le mot « yoga », comme discipline visant la libération, apparaît au 3ᵉ siècle avant notre ère dans un texte appelé la Katha Upanishad. Il y désigne une technique de maitrise des sens. Le yoga commence alors à être conceptualisé comme une méthode et un état pour se libérer du cycle des renaissances.

Qui a inventé le yoga ?

Cette question est particulièrement complexe puisque la signification même de ce qu’était le yoga à l’époque dite prémoderne (depuis les Védas jusqu’au Hatha yoga) est déjà très variée. Elle est par ailleurs différente de ce que recouvre le terme yoga depuis l’époque moderne (à partir du 19ᵉ siècle).

Ainsi, dans la Bhadgavad Gita, poème issu de la grande épopée mythique du Mahâbhârata datée entre le 5ᵉ et le 2ᵉ siècle av. J.-C, le yoga est proposé selon 3 voies. Les yogas de l’action (Karma), de la dévotion (Bhakti) ou de la connaissance (Jnana) permettraient de réconcilier le dilemme entre action dans le monde et libération du cycle des renaissances. 

Ensuite, le premier texte sanskrit entièrement dédié au yoga, comme état et moyen de l’atteindre, est le célèbre Yoga Sutras de Patanjali. Daté entre 200 av. J.-C. et 500 après J.-C, ce texte de tradition ascétique, y décrit un yoga des 8 membres (ashtanga yoga) avec :

• yamas, codes moraux de la vie en société,
• niyamas, règles d’éthique personnelle,
• asana, qui ne désigne à ce stade que la posture assise de méditation, 
• pranayama, la maitrise du souffle,
• prathyara, le retrait des sens,
• dharana, la concentration,
• dhyana, la méditation,
• samadhi, l’état de conscience pure.

Bien qu’il soit aujourd’hui présenté comme la base de la philosophie du yoga, il n’est qu’une école parmi de nombreuses autres dans l’évolution de cette quête de libération qu’est le yoga. 

Les tantras sont des textes révélés qui apparaissent autour du 5e et 6e siècle dans le nord de l’Inde. Ils proposent une nouvelle vision du monde et d’autres voies de libération du cycle des renaissances. Même si ces textes sont très hétérogènes tant dans leurs doctrines que dans leurs pratiques, ils présentent des similitudes, particulièrement une vision du corps divinisé et un instrument de salut. 

Quand sont apparues les postures de yoga ?

Alors que depuis les traditions védiques, le corps est considéré comme un obstacle à la libération qu’il faut dépasser par l’ascèse, le corps tantrique devient le lieu de cette libération. C’est à cette époque que sont conceptualisées les notions de kundalini (énergie divine intériorisée et dormante), de chakras (roue d’énergie) et de nadis (canaux) parcourant un corps rituel à visualiser.

Autour du 15ᵉ siècle, la rencontre entre la vision du corps tantrique et les traditions ascétiques donne naissance à une voie du yoga dont nous avons hérité, même si elle a évolué avant de nous parvenir : le Hatha Yoga. 

C’est avec ce « yoga de l’effort » que des postures non méditatives se développent. Mais elles ne sont pas, comme dans le yoga moderne mondialisé actuel, considérées comme le cœur de la pratique. Elles sont préparatoires à la méditation, qui reste la technique ultime permettant d’atteindre la libération.

C’est au cours des 19ᵉ et 20ᵉ siècles que la pratique posturale prend un tournant particulier dans le Hatha yoga. Sous l’impulsion de nationalistes indiens, dans le contexte de la colonisation britannique, avec l’influence de disciplines sportives européennes, le Hatha yoga se mue vers ce que le chercheur Mark Singleton appellera le yoga postural moderne. 

Il se propage en Inde et de par le monde. Il rencontre le succès qu’on lui connaît aujourd’hui grâce au concours de grands maîtres indiens et leurs disciples, comme Vivekananda, Sivananda, Krishnmacharya et ses élèves (Pattabhi Jois, Iyengar ou Indra Devi). C’est aussi le terreau socioculturel en Occident, surtout aux États-Unis dans les années 50 à 70, qui favorise le succès de ce yoga postural moderne, que nous pratiquons désormais.

Les origines du yoga sont complexes et multiples. Sa définition même a évolué selon les courants philosophiques dans lesquels il s’est développé, depuis une quête de libération jusqu’à la pratique posturale au succès planétaire que nous connaissons. Aujourd’hui encore, le yoga ne vit pas en vase clos et sa pratique se mâtine de diverses influences. Pour en savoir plus sur l’histoire riche et complexe des origines du yoga et prendre du recul sur votre pratique, découvrez notre formation en ligne.