La pratique du yoga durant les règles, et particulièrement des postures d’inversion est un vaste sujet, qui fait souvent débat dans le milieu professionnel du yoga. Qui n’a pas entendu en cours ou en formation de prof cette injonction fréquente de ne surtout pas réaliser d’inversions pendant ses règles ? Chez ĀYU YOGA SCHOOL, nous nous sommes posé la question de la justification scientifique de ce principe. Alors faut-il vraiment éviter les inversions de yoga durant ses règles et pourquoi ? 

Pratique du yoga et règles, le contexte d’origine

Rappelons d’abord que depuis longtemps les menstruations des femmes ont été considérées comme un signe d’impureté.

Dans la Grèce Antique, le fait de ne pas pouvoir maîtriser cet écoulement du sang de leur corps est une des raisons qui placent les femmes comme inférieures aux hommes.

Dans certains pays, on estimait que la femme menstruée était en train de « se purifier ». Elle était donc interdite des pratiques spirituelles. Entrer dans un temple alors qu’on avait ses règles était vu, par exemple, comme un péché. Dans certaines communautés, notamment en Inde, pays d’origine du yoga, les femmes étaient même exclues de leur maison jusqu’à la fin de leurs menstruations. Aujourd’hui encore, dans ce pays les règles sont un sujet particulièrement tabou. 

Dans une autre mesure, les pays occidentaux aussi ont leur lot de peurs et de préjugés, qui ont la vie dure sur le sujet. N’oublions pas qu’il a fallu attendre 2018, pour voir du sang menstruel dans une pub pour serviette hygiénique, au lieu du traditionnel liquide bleu, jugé plus « pur » et « lisse » (comprendre moins sale) rappelant le canard WC. Si le lien entre menstruations et impureté est moins présent en Occident, le fait que les femmes saignent chaque mois reste donc un grand tabou. 

Ainsi, même en France, la consigne de ne pas pratiquer les inversions durant la période de règles est très courante, dans les cours comme dans les formations de professeur.es de yoga.

Éviter les inversions pendant les règles, d’où vient ce principe ?

⁠La croyance qu’une femme devrait éviter de pratiquer des inversions pendant ses menstruations vient d’abord de cette stigmatisation et ce lien inconscient et ancien entre règles et impureté. Certains grands maitres du yoga, ayant contribué à sa diffusion en Occident, comme BKS Iyengar et Pattabhi Jois ont formulé des préconisations sur le yoga et les règles. L’école du premier a formulé une interdiction de la pratique des postures d’inversion (Sarvanga Salambasana, la chandelle, Sirsasana, la posture sur la tête ou encore Pincha Mayurasana, la posture sur les avant-bras) pendant les règles. Le second recommandait 6 jours de pratique de l’ashtanga sur 7, excepté les jours de pleine et nouvelle lune ainsi que les jours de menstruations pour les femmes.

Aujourd’hui, l’absence totale de pratique n’est plus que très rarement prônée. Les recommandations scientifiques ont prouvé que faire du yoga contribuait à réduire les douleurs liées aux règles. Vous pouvez retrouver des informations à ce sujet dans cette étude sur l’impact de la pratique sur les inconforts menstruels, dans celle-ci sur les effets des asanas sur les douleurs de règles ou encore dans cette étude sur les effets du yoga sur les troubles menstruels.

Mais la consigne de ne pas réaliser de postures d’inversions pendant les menstruations reste, quant à elle, légion… Elle est parfois justifiée par les principes de l’Ayurveda, la médecine traditionnelle indienne, et la théorie des Vayus (les vents) et des flux énergétiques. Les inversions auraient un effet sur les Vayus inverse de celui supposément recherché pendant cette période. Mais cela ne relève pas de la preuve scientifique.⁠

On peut trouver d’autres arguments à ce sujet : 

• les inversions ralentiraient les processus de nettoyage induit par les règles (on revient à cette idée de « purification » par l’écoulement du sang) ;
• le sang remonterait dans l’utérus et pourrait ainsi contaminer les organes reproducteurs ;
• cela présenterait des risques pour la fertilité et pourrait provoquer de l’endométriose.

En réalité, aucune de ces raisons n’est fondée scientifiquement.

Pratique des inversions de yoga et règles, que dit la science ?

D’abord il faut bien comprendre que ce n’est pas la gravité qui déclenche les saignements pendant les règles. Ce sont les contractions de l’utérus. Ainsi, la position du corps n’affecte pas l’écoulement du sang vers le bas. D’ailleurs, vous pouvez tester ce principe sur d’autres situations : vous pouvez faire pipi allongé et boire la tête à l’envers. Les astronautes, auxquels la gravité ne s’applique plus, peuvent continuer de faire fonctionner leur corps normalement (au moins en ce qui concerne l’écoulement de différents liquides). 

L’impact des menstruations rétrogrades (à savoir le fait que le sang remonte dans l’utérus) sur un risque plus élevé d’endométriose ou d’infertilité n’a, par ailleurs, pas été démontré par la science. Au contraire, une étude a prouvé l’inverse : une grande majorité de femmes aurait des menstruations rétrogrades (sans faire d’inversion) et cela n’aurait pas de lien avec des troubles gynécologiques ou de la fertilité.

Alors faut-il éviter les inversions de yoga pendant les règles ? Selon nous, l’important est surtout de s’écouter, de se faire confiance et de choisir de les pratiquer ou pas selon ses propres ressentis. Chaque femme vit ses règles différemment les unes par rapport aux autres. Chaque femme vit aussi des effets variables selon les cycles et les mois. 

En conclusion, il n’existe pas de preuves scientifiques pour justifier d’éviter la pratique des inversions pendant les règles. Il n’y a pas, non plus, d’obligation à les faire, y compris lorsqu’on n’a pas ses menstruations. Il vous appartient de faire vos propres choix à ce sujet en fonction de vos sensations, de votre forme, de votre corps et de vos envies ! ⁠

Il est également important que cette injonction ne soit plus diffusée ainsi pendant les cours et que de la nuance soit apportée sur ce discours qui revient à bannir les inversions pendant les règles pour toutes. Si vous souhaitez déconstruire d’autres mythes du yoga, découvrez nos formations.

Cet article vous intéresse ? Retrouvez tous nos articles de blog.